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Vous connaissez cette sensation ? C’est lundi matin, vous ouvrez votre boîte mail et au lieu de traiter ce dossier urgent qui vous angoisse depuis trois jours, vous vous retrouvez à réorganiser compulsivement votre bureau. Puis à ranger vos dossiers numériques. Puis à scroller sur LinkedIn pendant 45 minutes en vous disant que « c’est du réseau professionnel donc ça compte ». Trois heures plus tard, votre bureau est impeccable, vous avez lu 47 posts inspirants… et le dossier urgent ? Toujours là, intact.

Ou peut-être êtes-vous ce manager qui a remarqué que Sophie, autrefois dynamique et proactive, passe maintenant ses journées à peaufiner des tableaux Excel dont personne n’a besoin, répond aux emails en pilote automatique et semble absente même quand elle est physiquement présente en réunion ?

Bienvenue dans le monde de la narcotisation au travail – ce mécanisme de défense psychologique aussi sournois qu’universel, où l’on s’anesthésie émotionnellement pour éviter d’affronter ce qui nous dérange vraiment. Contrairement à la projection qui rejette nos défauts sur les autres ou à la rationalisation qui justifie nos actions, la narcotisation est plus subtile… on s’endort émotionnellement, on se met en mode avion psychologique.

La narcotisation : quand le cerveau appuie sur « pause »

Définition et origines du concept

Le terme « narcotisation » vient du grec « narkōsis », signifiant engourdissement ou torpeur. En psychologie du travail, la narcotisation désigne ce processus inconscient par lequel nous nous engourdissons émotionnellement et cognitivement face à une situation trop inconfortable, anxiogène ou conflictuelle.

C’est comme si notre cerveau décidait : « OK, cette situation est trop pour moi, je vais juste… m’absenter mentalement pendant un moment. » Le truc, c’est que ce « moment » peut durer des semaines, des mois, voire des années.

Dans l’approche de l’Ennéagramme, la narcotisation est particulièrement associée au type 9 – les Pacificateurs – pour qui ce mécanisme devient une stratégie d’évitement du conflit et de préservation de l’harmonie. Mais en réalité, nous sommes tous capables de narcotiser face au stress professionnel.

Narcotisation vs Apathie : ne confondons pas tout

Attention, la narcotisation n’est pas exactement la même chose que l’apathie clinique. L’apathie médicale, celle qu’on observe dans certaines pathologies neurologiques comme Alzheimer ou Parkinson, c’est une vraie perte de motivation liée à des dysfonctionnements cérébraux. La personne ne peut littéralement pas se motiver, même si elle le voulait.

La narcotisation au travail, c’est différent. C’est un mécanisme de défense actif (même s’il donne une impression de passivité). Votre cerveau choisit inconsciemment de s’engourdir pour vous protéger. La bonne nouvelle ? Vous pouvez en sortir une fois que vous en prenez conscience.

C’est un peu comme la différence entre être vraiment malade et faire semblant d’être malade pour éviter un examen… sauf que dans le cas de la narcotisation, même vous n’êtes pas conscient que vous « faites semblant ». Votre cerveau s’auto-anesthésie pour de vrai.

narcotisation au travail pour se protéger de ses émotions

Les mille et un visages de la narcotisation au bureau

La procrastination « productive »

Thomas, chef de projet, doit préparer une présentation stratégique pour le comité de direction. Enjeu majeur, stress maximum. Au lieu de s’y atteler, il passe deux jours à optimiser le fichier de suivi des congés de l’équipe, répondre à tous les emails non urgents, et créer un template PowerPoint « pour plus tard ». Il est occupé, il est productif… mais il narcotise.

Cette forme de narcotisation est pernicieuse parce qu’elle donne l’illusion de l’activité. « Je ne procrastine pas, je suis hyper actif ! » Oui, mais sur quoi ? Sur des tâches de confort, prévisibles, qui ne demandent pas d’engagement émotionnel. C’est comme ranger sa chambre au lieu de réviser ses examens – on est actif, mais on évite.

Le pilote automatique émotionnel

Marie est en réunion. Elle hoche la tête au bon moment, prend des notes, répond quand on l’interroge. Mais si vous lui demandiez cinq minutes après ce qui s’est dit, elle serait incapable de vous répondre. Son corps est là, son esprit est… ailleurs. En mode économie d’énergie émotionnelle.

Cette dissociation mentale est une forme classique de narcotisation. On est physiquement présent mais psychologiquement absent. Combien de réunions suivez-vous en mode « j’écoute d’une oreille pendant que je réponds à mes mails » ? C’est ça, la narcotisation du multitâche.

L’hyper-routinisation comme refuge

David arrive tous les jours à 8h57, fait exactement le même café, vérifie ses mails dans le même ordre, déjeune à 12h30 pile au même endroit. Sa journée est un rituel immuable. Pourquoi ? Parce que la routine, c’est rassurant. Ça ne demande pas de penser, de décider, de ressentir.

Les routines ne sont pas mauvaises en soi, mais quand elles deviennent une prison dorée pour éviter tout engagement réel dans son travail, c’est de la narcotisation. On s’emmure dans des habitudes pour ne surtout rien changer, ne rien risquer, ne rien ressentir.

Le scroll infini et autres échappatoires numériques

Ah, le phénomène moderne par excellence. « Juste un coup d’œil rapide à LinkedIn »… 45 minutes plus tard, vous êtes en train de regarder des vidéos de chats sur une plateforme dont vous ne vous rappelez même plus comment vous y êtes arrivé.

Les écrans sont devenus nos doudous professionnels. Stressé ? Hop, un petit tour sur les réseaux. Angoissé par un conflit ? Vérifions nos emails pour la 47ème fois. C’est rapide, facile, et ça donne un shoot de dopamine immédiat. Le parfait anesthésiant moderne.

L’indifférence progressive

La forme la plus inquiétante de narcotisation, c’est quand elle devient chronique. Julien, qui était passionné par son métier il y a trois ans, ne ressent plus rien. Ni frustration, ni joie, ni colère. Il fait son boulot, point. Présent mais absent. C’est ce qu’on pourrait appeler le « quiet quitting » version mécanisme de défense.

Cette indifférence n’est pas de la paresse ou un manque de professionnalisme. C’est une stratégie de survie psychologique face à un environnement de travail devenu trop toxique, trop stressant, ou simplement vidé de sens.

Pourquoi on narcotise ? (Spoiler : c’est pas par plaisir)

L’évitement du conflit

Si je ne ressens rien, je ne peux pas être blessé. Si je suis en pilote automatique, je n’ai pas à prendre position. La narcotisation devient un bouclier contre les conflits au travail – réels ou anticipés.

Prenez Sophie qui narcotise systématiquement avant les réunions d’équipe. Pourquoi ? Parce qu’il y a toujours des tensions, des désaccords, et elle a horreur du conflit. En s’anesthésiant émotionnellement, elle traverse la réunion sans être vraiment là. Malin… mais épuisant à long terme.

La surcharge cognitive et émotionnelle

Parfois, c’est juste trop. Trop d’informations, trop de décisions, trop d’émotions contradictoires. Le cerveau sature et active le mode « je débranche tout ». C’est une forme de protection face à l’épuisement.

Dans notre monde professionnel hyperconnecté, on reçoit plus d’informations en une journée que nos grands-parents en recevaient en une semaine. Notre cerveau n’est pas fait pour ça. La narcotisation devient alors une réponse adaptative – même si elle est dysfonctionnelle.

La perte de sens

Difficile de rester engagé quand on ne voit plus le sens de ce qu’on fait. Quand votre travail ressemble à un hamster wheel où vous courez sans jamais avancer, la narcotisation devient une façon de tenir sans devenir fou.

Marc, développeur dans une grande boîte, a passé trois ans à coder des fonctionnalités qui n’ont jamais vu le jour. Projet annulé, réorganisation, nouveau projet… annulé aussi. À force, il a commencé à narcotiser. Pourquoi s’investir émotionnellement dans quelque chose qui va disparaître ?

L’impuissance apprise

Vous avez essayé de changer les choses. Proposé des idées. Signalé des problèmes. Et rien ne s’est passé. Encore et encore. À un moment, votre cerveau apprend : « Mes actions n’ont aucun impact, donc pourquoi essayer ? » C’est ce que les psychologues appellent l’impuissance apprise, et c’est un terreau fertile pour la narcotisation.

Les dégâts collatéraux de la narcotisation

Pour l’individu

La narcotisation, c’est comme prendre un antidouleur émotionnel. Ça soulage sur le moment, mais ça ne soigne rien. Pire, ça peut masquer des problèmes plus graves : burnout imminent, dépression, perte totale de sens professionnel.

À force de s’anesthésier, on finit par ne plus savoir ce qu’on ressent vraiment. On devient étranger à soi-même. Certains se réveillent dix ans plus tard en se demandant comment ils en sont arrivés là, comment ils ont pu laisser passer autant de temps dans un travail qui ne leur correspond pas.

Et puis il y a le coût physiologique. La narcotisation chronique est épuisante. Vous pensez économiser de l’énergie en vous mettant en mode veille, mais c’est l’inverse. Maintenir cette dissociation demande une énergie mentale colossale. D’où cette sensation de fatigue permanente alors qu’on n’a « rien fait de la journée ».

Pour l’équipe

Une personne qui narcotise, c’est comme un fantôme dans l’équipe. Elle est là sans être là. Ça crée un vide, une absence de contribution réelle. Les autres doivent compenser, prendre le relais, porter l’énergie émotionnelle à sa place.

Et c’est contagieux. Quand un ou deux membres de l’équipe narcotisent, ça peut contaminer progressivement toute l’équipe. L’énergie collective baisse, l’engagement diminue, on entre dans une spirale de désengagement collectif.

Sans compter l’impact sur la dynamique relationnelle. Comment créer du lien, de la confiance, avec quelqu’un qui est perpétuellement en retrait émotionnel ? Comment résoudre les conflits quand l’autre ne s’engage même pas dans la discussion ?

Pour l’organisation

À l’échelle de l’entreprise, la narcotisation généralisée est un symptôme d’une culture organisationnelle malade. C’est le signe que quelque chose ne va pas du tout.

Des équipes narcotisées ne sont pas créatives, ne prennent pas de risques, n’innovent pas. Elles font le minimum syndical en pilote automatique. C’est la mort lente d’une organisation, l’érosion progressive de ce qui fait sa valeur.

Et économiquement ? Le coût est colossal. Entre la baisse de productivité, les erreurs dues au manque d’attention, l’absentéisme qui augmente, et le turnover qui explose quand les gens finissent par craquer… la narcotisation coûte des millions aux entreprises. Sans qu’elles s’en rendent forcément compte parce que ça ne se mesure pas en ligne budgétaire.

Comment reconnaître la narcotisation (avant qu’il ne soit trop tard)

Les signaux chez soi

Premier indice : vous avez du mal à vous rappeler ce que vous avez fait dans la journée. Vous avez été « occupé » mais si on vous demande à quoi… mystère. C’est le signe que vous étiez en mode automatique, pas vraiment présent à ce que vous faisiez.

Deuxième signal : vous vous surprenez à « tuer le temps » au travail. Regarder l’horloge en attendant que la journée passe, compter les heures avant le week-end. Quand le travail devient juste du temps à passer plutôt qu’une activité engageante, vous narcotisez probablement.

Troisième signe : l’indifférence émotionnelle. Votre projet vient d’être annulé ? Bof. Votre collègue a eu une promotion ? Mouais. Votre équipe a gagné un appel d’offres ? Cool. Quand plus rien ne vous touche, ni en positif ni en négatif, c’est un gros red flag.

Quatrième indicateur : la procrastination systématique sur tout ce qui nécessite un vrai engagement. Vous repoussez sans cesse cette conversation difficile, cette décision importante, ce projet ambitieux. Et vous remplissez votre temps avec du superflu qui ne demande aucun investissement émotionnel.

Cinquième alerte : la fatigue chronique sans cause apparente. Vous dormez bien, vous n’êtes pas malade, mais vous êtes épuisé. La narcotisation est énergivore – maintenir cette dissociation coûte cher au cerveau.

Les signaux chez les autres

Changement de comportement notable. Julien qui était toujours volontaire pour prendre des initiatives devient subitement passif. Sophie qui participait activement en réunion ne dit plus rien. Ce changement est souvent graduel, mais quand vous le remarquez, c’est déjà installé.

Le regard vide en réunion. Vous parlez, la personne vous regarde, mais vous sentez qu’elle n’est pas vraiment là. C’est comme parler à quelqu’un derrière une vitre.

Les réponses en mode automatique. « Oui oui, pas de problème », « OK », « C’est noté »… mais vous savez que rien ne sera fait. Pas par mauvaise volonté, mais parce que la personne n’est pas vraiment connectée à ce qui se dit.

L’hyper-ritualisation. La personne s’accroche à des routines rigides, des process stricts, comme si toute déviation allait provoquer une catastrophe. C’est souvent un moyen de garder le contrôle quand on narcotise – au moins les routines, on peut les gérer en pilote automatique.

L’isolement progressif. La personne mange seule, évite les moments informels, se retire des échanges non obligatoires. Ce n’est pas forcément de l’antisocial – c’est souvent qu’elle n’a plus l’énergie émotionnelle pour les interactions.

Sortir de la narcotisation : le réveil (pas toujours) en douceur

Pour soi-même

D’abord, reconnaître et nommer ce qui se passe. « Je suis en train de narcotiser » est déjà un premier pas énorme. Comme tous les mécanismes de défense, la prise de conscience est le début de la transformation.

Ensuite, identifiez le déclencheur. Qu’est-ce qui, précisément, vous fait narcotiser ? Un projet particulier ? Un collègue ? Une situation récurrente ? Vous ne pouvez pas changer ce que vous ne voyez pas.

Questionnez ce qui vous fait peur. Sous la narcotisation, il y a toujours quelque chose qu’on évite. Un conflit potentiel, une responsabilité qui nous dépasse, une peur de l’échec, un sentiment d’incompétence… Qu’est-ce que vous évitez en vous anesthésiant ?

Réintroduisez du micro-engagement. Ne visez pas le grand réveil brutal, commencez petit. Choisissez UNE tâche où vous allez être vraiment présent. Juste une. Une réunion où vous allez vraiment écouter. Un dossier que vous allez traiter avec attention. Reconstruisez l’engagement par petites touches.

Parlez-en. À un collègue de confiance, un coach, un psy si nécessaire. La narcotisation se nourrit du silence et de l’isolement. Mettre des mots dessus, c’est déjà commencer à en sortir.

Réintroduisez du sens. C’est souvent la perte de sens qui déclenche la narcotisation. Si vous ne pouvez pas changer de job immédiatement, trouvez du sens ailleurs – dans certains aspects de votre travail, dans vos relations, dans ce que vous apprenez, dans l’impact même minime que vous avez.

Et parfois… changez de contexte. Si la narcotisation est une réponse à un environnement toxique, la vraie solution peut être de partir. Ce n’est pas fuir, c’est prendre soin de soi.

Pour aider un collègue qui narcotise

Attention, terrain miné. Vous ne pouvez pas forcer quelqu’un à sortir de sa narcotisation. C’est comme essayer de réveiller quelqu’un qui fait semblant de dormir – ça ne marche pas.

Commencez par créer un espace sûr. « J’ai remarqué que tu sembles moins engagé ces derniers temps. Est-ce que tout va bien ? » Sans jugement, sans accusation. Juste une porte ouverte.

Évitez le « secoue-toi, ressaisis-toi ». Ça ne fait qu’empirer les choses. La personne qui narcotise le sait déjà qu’elle n’est pas à fond. Vous enfoncer le clou ne fait que renforcer sa culpabilité et… sa narcotisation.

Proposez des micro-responsabilités. Donnez-lui des petites missions concrètes où elle peut réussir facilement. Ça permet de reconstruire progressivement l’engagement sans la submerger.

Partagez vos propres moments de narcotisation. « Moi aussi, j’ai des jours où je suis juste en mode zombie au travail. » Ça normalise, ça déstigmatise, ça ouvre le dialogue.

Et si c’est votre équipe qui narcotise collectivement ? C’est un signal d’alarme majeur sur votre culture d’équipe ou votre management. Posez-vous les vraies questions : qu’est-ce qui, dans notre façon de travailler, pousse les gens à s’anesthésier émotionnellement ?

En tant que manager

Première règle : ne pas traiter la narcotisation comme de la flemme ou du manque de professionnalisme. C’est un mécanisme de défense, pas un défaut de caractère.

Créez un environnement où l’erreur est permise. Beaucoup de narcotisation vient de la peur de l’échec. Si votre culture punit chaque erreur, les gens vont préférer se mettre en retrait émotionnel plutôt que de prendre le risque de se tromper.

Réintroduisez du sens. Expliquez le « pourquoi » derrière les tâches. Montrez l’impact du travail. Les gens ne narcotisent pas quand ils voient que ce qu’ils font a du sens.

Attention à la charge mentale. Si votre équipe croule sous les tâches, les réunions, les sollicitations… la narcotisation devient une stratégie de survie. Parfois, la solution c’est juste de lâcher la pression.

Célébrez les victoires, même petites. La narcotisation s’installe dans l’indifférence généralisée. Réintroduire de la reconnaissance, de la célébration, c’est réveiller les émotions positives.

Les différentes philosophies face à l’apathie

Le paradoxe stoïcien

Petit détour philosophique intéressant : les stoïciens prônaient l' »apatheia », qu’on traduit souvent par apathie. Mais attention, leur concept n’a rien à voir avec notre narcotisation moderne. Pour eux, c’était une maîtrise des passions, pas une anesthésie émotionnelle.

Marc Aurèle ne narcotisait pas quand il dirigeait l’Empire romain. Il était pleinement présent, juste pas esclave de ses émotions. La nuance est énorme. La narcotisation moderne, c’est fuir ses émotions. L’apatheia stoïcienne, c’était les accueillir sans s’y noyer.

L’apathie comme carburant ?

Paradoxe moderne : certains entrepreneurs témoignent avoir utilisé une forme « d’apathie stratégique » comme moteur. Ne plus se soucier du regard des autres, des obstacles, du qu’en-dira-t-on… pour foncer.

Mais attention à ne pas confondre l’apathie stratégique (je choisis consciemment de ne pas me laisser affecter par X) et la narcotisation (je m’anesthésie inconsciemment face à tout). L’une est un choix conscient, l’autre est une fuite inconsciente.

Quand la narcotisation devient une urgence

Certains signaux doivent vraiment vous alerter :

– Quand la narcotisation s’étend à toute votre vie, pas juste au travail. Vous ne ressentez plus rien, nulle part, jamais.
– Quand vous avez des pensées autodestructrices. « À quoi bon », « rien n’a d’importance », « je suis juste un zombie »…
– Quand votre santé physique est impactée. Troubles du sommeil sévères, perte ou gain de poids important, douleurs chroniques inexpliquées.
– Quand vous envisagez sérieusement des comportements à risque pour « sentir quelque chose ». Alcool, drogues, comportements sexuels risqués…
– Quand l’entourage proche s’inquiète vraiment. Si plusieurs personnes qui vous connaissent bien tirent la sonnette d’alarme, écoutez-les.

Dans ces cas, la narcotisation n’est plus un simple mécanisme de défense au travail, c’est potentiellement une dépression clinique, un burnout sévère, ou autre chose qui nécessite un accompagnement professionnel. Ne restez pas seul avec ça.

La narcotisation à l’ère du « quiet quitting »

Le phénomène viral du « quiet quitting » (démission silencieuse) n’est rien d’autre qu’une forme collective et assumée de narcotisation. Faire le strict minimum, ne plus s’investir émotionnellement dans son travail, poser des limites strictes entre vie pro et perso…

Est-ce une bonne chose ? C’est complexe. D’un côté, c’est une réponse saine à des années de culture hustle et de burn yourself out. Les gens reprennent le contrôle, posent des limites, refusent l’exploitation.

De l’autre, quand le quiet quitting devient systématique et généralisé, c’est le signe d’un désengagement massif. Et un travailleur désengagé, c’est quelqu’un qui ne s’épanouit pas. Ce n’est bon ni pour lui, ni pour l’entreprise.

La vraie question derrière le quiet quitting : pourquoi tant de gens choisissent-ils consciemment de narcotiser plutôt que de s’engager ? La réponse dit beaucoup sur l’état de nos organisations et de notre rapport au travail.

Transformer la narcotisation en signal d’alarme utile

Voilà peut-être la piste la plus intéressante : et si on arrêtait de voir la narcotisation comme un problème à éliminer et qu’on la considérait plutôt comme un voyant rouge sur le tableau de bord ?

Quand vous narcotisez, votre psyché vous dit quelque chose d’important. « Stop. Ce que tu vis actuellement n’est pas OK pour toi. » C’est un signal d’alarme, pas un défaut.

Le problème, c’est qu’on éteint souvent l’alarme sans traiter ce qu’elle signale. On se force à être plus productif, on culpabilise de notre désengagement, on se gave de café pour tenir… mais on ne change rien au fond.

Imaginez si, à la place, vous vous demandiez : « OK, mon cerveau m’envoie un signal en narcotisant. Qu’est-ce qu’il essaie de me dire ? Qu’est-ce qui ne va pas dans ma situation actuelle ? De quoi ai-je vraiment besoin ? »

Parfois la réponse est simple : repos, vacances, ralentir le rythme. Parfois c’est plus profond : changer de projet, de manager, de mission. Et parfois c’est radical : quitter cette boîte, changer de métier, repenser complètement son rapport au travail.

Conclusion : la narcotisation n’est pas l’ennemie

On a tendance à voir tous les mécanismes de défense comme des bugs à corriger. Mais la narcotisation, comme le déni, l’isolation ou les autres, existe pour une bonne raison : nous protéger.

Le problème n’est pas que vous narcotisez face à une situation stressante – c’est une réponse normale, adaptative même. Le problème, c’est quand ça devient votre mode par défaut, quand vous narcotisez sur tout, tout le temps, au point de devenir étranger à vous-même et à votre vie professionnelle.

La bonne nouvelle ? La narcotisation étant un mécanisme inconscient, la simple prise de conscience peut déjà changer beaucoup de choses. Repérer quand vous le faites, comprendre pourquoi, identifier ce que vous évitez… c’est déjà sortir du pilote automatique.

Et pour les organisations : si vos équipes narcotisent massivement, ce n’est pas un problème de motivation individuelle. C’est un symptôme d’une culture ou d’un management qui pousse les gens à s’anesthésier pour survivre. La vraie question n’est pas « comment les rendre plus engagés » mais « qu’est-ce qui, dans notre façon de fonctionner, les pousse à se déconnecter ? »

Finalement, peut-être que la narcotisation n’est pas le problème. C’est juste le messager. Et on sait ce qu’on dit : ne tirez pas sur le messager… écoutez plutôt le message.

Alors la prochaine fois que vous vous surprendrez à ranger compulsivement votre bureau au lieu de traiter ce dossier angoissant, ou à scroller LinkedIn pendant 45 minutes en mode zombie… ne vous jugez pas. Demandez-vous juste : « Qu’est-ce que mon cerveau essaie de me dire en ce moment ? De quoi suis-je vraiment en train de me protéger ? »

La réponse pourrait bien changer votre rapport au travail. Ou en tout cas, vous éviter de finir comme ces zombies de bureau qu’on croise tous les jours, physiquement présents mais psychologiquement partis en vacances depuis trois ans.

Et vous, vous narcotisez sur quoi en ce moment ?

Benoit Lacroix

Benoit Lacroix

Co-fondateur du média Happy Team, Benoît est un passionné de la gestion des ressources humaines et de la résolution des conflits au travail. Il est aussi médiateur.

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